
Les accros au bronzage : comment gérer cette clientèle à risque tout en préservant l'image de la profession
Introduction
Dans le monde du bronzage professionnel, nous rencontrons tous ce profil de client : celui qui ne peut s'empêcher de revenir plusieurs fois par semaine, qui cherche à contourner le délai réglementaire de 48 heures entre deux séances, et qui considère le teint hâlé comme une seconde peau indispensable à son bien-être. Ces "accros au bronzage", parfois qualifiés de "tanorexiques" dans le jargon professionnel, représentent un défi particulier pour notre secteur.
Si cette clientèle fidèle peut sembler avantageuse d'un point de vue économique à court terme, elle représente un risque majeur pour la pérennité de notre profession. En effet, ces comportements excessifs sont précisément ceux qui alimentent les critiques de nos détracteurs et qui, à terme, pourraient conduire à des réglementations encore plus strictes, voire à des interdictions totales comme cela s'est produit dans certains pays.
Dans cet article, nous analyserons en profondeur le phénomène de la tanorexie, ses implications pour notre profession, et surtout, les stratégies à mettre en place pour gérer efficacement cette clientèle tout en préservant notre image de professionnels responsables et soucieux de la santé publique.
Qu'est-ce que la tanorexie ?
La tanorexie, terme dérivé de "tan" (bronzage) et "anorexie", désigne une forme de dépendance psychologique au bronzage. Les personnes qui en souffrent présentent un besoin compulsif d'avoir la peau bronzée et une perception déformée de leur apparence, se voyant souvent plus pâles qu'elles ne le sont réellement.
Données chiffrées sur la prévalence
Selon une étude publiée dans le Journal of the American Academy of Dermatology en 2017, environ 5 à 8% des utilisateurs réguliers de cabines de bronzage présentent des comportements compatibles avec une dépendance [1]. Cette prévalence augmente considérablement chez les jeunes adultes (18-25 ans), où elle peut atteindre jusqu'à 12%.
Une enquête menée par l'Université de Californie du Sud en 2018 auprès de 1 500 utilisateurs de centres de bronzage a révélé que [2] :
- 7,3% des clients fréquentent les centres plus de 3 fois par semaine
- 15,2% déclarent ressentir une forme d'anxiété s'ils ne peuvent pas bronzer pendant plus d'une semaine
- 22,6% continuent de s'exposer malgré des symptômes cutanés problématiques
Caractéristiques cliniques
Les personnes souffrant de tanorexie présentent généralement les caractéristiques suivantes :
- Obsession concernant leur teint et perception erronée de leur couleur de peau
- Besoin compulsif de s'exposer régulièrement aux UV
- Anxiété ou irritabilité en cas d'impossibilité de bronzer
- Poursuite du comportement malgré les risques connus et les conséquences négatives
- Tendance à nier ou minimiser les dangers liés à l'exposition excessive aux UV
Ces comportements ont été documentés dans plusieurs études scientifiques, notamment par Warthan et al. (2005) qui ont été parmi les premiers à décrire ce trouble [3].

Les implications pour la profession
Risques pour la santé et image de la profession
Les comportements excessifs des tanorexiques sont précisément ceux qui alimentent les statistiques de cancers cutanés parfois associés au bronzage en cabine. Une méta-analyse publiée dans le British Medical Journal a démontré que les personnes présentant des comportements de dépendance au bronzage ont un risque significativement plus élevé de développer un mélanome comparé à la population générale [4].
Ces cas, bien que minoritaires, sont souvent médiatisés et servent d'argument aux opposants du bronzage en cabine pour demander des restrictions supplémentaires. Selon une analyse de la couverture médiatique réalisée par Balk et al. en 2015, les articles de presse mentionnant le bronzage en cabine citent fréquemment des cas de cancers cutanés associés à une utilisation excessive [5].
Impact économique à long terme
Bien que les clients "accros" puissent représenter une source de revenus récurrente, leur présence comporte des risques économiques à long terme pour la profession :
- Risque réglementaire : Les réglementations de plus en plus strictes en France et en Europe sont souvent motivées par les cas d'abus. La France impose déjà un délai minimum de 48 heures entre deux séances de bronzage en cabine, conformément à l'arrêté du 20 octobre 2014 [6].
- Risque de réputation : La présence visible de clients au bronzage excessif dans nos établissements peut dissuader une clientèle plus modérée et soucieuse de sa santé.
- Risque juridique : Les cas de poursuites pour négligence professionnelle suite à des problèmes de santé liés à une surexposition sont en augmentation, comme l'a montré un rapport du Syndicat National des Professionnels du Bronzage en Cabine [7].
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Cadre légal français
En France, la réglementation du bronzage en cabine est particulièrement stricte et encadrée par plusieurs textes légaux [6] :
- Interdiction de la publicité pour les cabines de bronzage (Article L. 5133-1 du Code de la santé publique)
- Interdiction aux mineurs (Article L. 5133-2 du Code de la santé publique)
- Obligation d'un délai minimum de 48 heures entre deux séances
- Obligation d'information sur les risques via des avertissements sanitaires
- Formation obligatoire pour les opérateurs
- Interdiction de l'accès en libre-service
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner des sanctions allant jusqu'à 100 000€ d'amende et la fermeture de l'établissement.
Stratégies de gestion responsable
Formation du personnel
La formation du personnel est essentielle pour identifier et gérer correctement les clients présentant des comportements à risque. Un programme de formation devrait inclure :
- Reconnaissance des signes de dépendance au bronzage
- Techniques de communication pour aborder le sujet avec tact
- Connaissance approfondie des limites légales et recommandations sanitaires
- Protocoles de refus de service en cas de non-respect des directives
Une étude publiée dans le Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology a montré que la formation du personnel peut significativement améliorer les pratiques de sécurité dans les centres de bronzage [8].
Mise en place de systèmes de suivi
Un système de suivi informatisé des séances permettant de :
- Respecter scrupuleusement le délai légal de 48 heures entre deux séances
- Calculer automatiquement les temps d'exposition adaptés à chaque phototype
- Émettre des alertes en cas de fréquence anormalement élevée
- Générer des rapports permettant d'identifier les tendances problématiques
Les systèmes de gestion informatisés ont démontré leur efficacité pour améliorer le respect des réglementations dans plusieurs secteurs de la santé [9].
Communication positive et éducation
Plutôt que de simplement refuser des séances, adoptez une approche éducative :
- Proposez des consultations de phototype gratuites pour personnaliser les séances
- Distribuez des brochures informatives sur les bonnes pratiques du bronzage
- Organisez des événements d'information sur la santé de la peau
- Communiquez régulièrement sur les bienfaits d'un bronzage modéré et responsable
Des études en psychologie de la santé ont démontré que l'éducation des clients est plus efficace que la simple interdiction pour modifier les comportements à risque [10].
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Alternatives à proposer
Les accélérateurs de bronzage comme solution
Les accélérateurs de bronzage à base de tyrosine et d'agents hydratants représentent une excellente alternative pour satisfaire les clients désireux d'un bronzage plus intense sans augmenter le temps ou la fréquence des séances.
Les recherches sur ces produits indiquent qu'ils peuvent :
- Optimiser le processus de mélanogenèse naturelle
- Aider à réduire le nombre de séances nécessaires pour atteindre le résultat souhaité
- Améliorer l'hydratation de la peau, réduisant les risques de vieillissement cutané prématuré [11]
Les accélérateurs combinés aux autobronzants
Les produits combinant accélérateurs de bronzage et autobronzants, comme le "Black Star" de la marque "Supertan", offrent une solution particulièrement adaptée aux clients en quête d'un résultat rapide et intense.
Ces produits permettent :
- Un effet immédiat grâce à l'autobronzant
- Un bronzage naturel intensifié par l'accélérateur
- Une satisfaction client accrue sans augmentation de l'exposition aux UV
Les autobronzants purs comme complément
Les autobronzants purs comme le "On-The-Go Dark" de la marque That'So peuvent être recommandés comme solution complémentaire à utiliser entre les séances de bronzage en cabine.
En proposant ces produits à vos clients pour un usage à domicile, vous pouvez :
- Les aider à maintenir un teint hâlé plus longtemps
- Réduire leur besoin de séances fréquentes
- Augmenter vos ventes de produits tout en promouvant une approche plus saine du bronzage
Des études ont montré que l'utilisation d'autobronzants est associée à une réduction de l'exposition aux UV chez certains consommateurs [12].
Graphique : Satisfaction client vs Santé publique
Stratégie | Satisfaction client (%) | Respect des normes de santé (%) | Impact économique |
Aucune limitation | 85-90 | 30-40 | Positif à court terme, négatif à long terme |
Application stricte des 48h | 40-50 | 90-95 | Négatif à court terme, positif à long terme |
Approche éducative + alternatives | 80-85 | 85-90 | Positif à court et long terme |
Source : Compilé à partir des données de Schneider et al. (2013) [13] et Coups et al. (2016) [14]
Approches psychologiques pour gérer les clients à risque
La recherche en psychologie comportementale suggère plusieurs approches pour gérer efficacement les clients présentant des signes de dépendance au bronzage :
- L'entretien motivationnel : Cette technique, développée à l'origine pour les addictions, peut être adaptée pour aider les clients à prendre conscience de leurs comportements problématiques sans les culpabiliser [15].
- La fixation d'objectifs progressifs : Proposer aux clients des objectifs réalistes de réduction de la fréquence des séances, accompagnés d'alternatives comme les accélérateurs ou autobronzants.
- Le renforcement positif : Féliciter et récompenser les clients qui adoptent des comportements plus sains (par exemple, par des réductions sur les produits de soin).
- L'approche informative : Fournir des informations scientifiques précises sur les risques, mais aussi sur les bénéfices d'un bronzage modéré et contrôlé.
Ces approches ont montré leur efficacité dans la modification des comportements à risque dans divers domaines de la santé [16].
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Responsabilité professionnelle
Au-delà du cadre légal, notre profession a une responsabilité éthique envers sa clientèle. Permettre à un client de développer ou d'entretenir une dépendance au bronzage va à l'encontre de cette responsabilité.
Selon une étude du Journal of Health Psychology, les professionnels de santé et du bien-être ont une influence significative sur les comportements de leurs clients, ce qui leur confère une responsabilité particulière [17].
Conclusion
La gestion des clients "accros au bronzage" représente un défi majeur pour notre profession, mais aussi une opportunité de démontrer notre engagement envers des pratiques responsables et durables.
En adoptant une approche proactive combinant formation du personnel, systèmes de suivi efficaces, communication éducative et alternatives cosmétiques, nous pouvons protéger à la fois notre clientèle et l'avenir de notre profession.
Rappelons que la longévité de nos entreprises dépend de notre capacité à nous adapter à un environnement réglementaire et sociétal de plus en plus exigeant en matière de santé publique. Les centres qui réussiront à transformer les clients "accros" en clients responsables, tout en maintenant leur satisfaction, seront ceux qui prospéreront dans les années à venir.
En tant que professionnels du bronzage, notre mission n'est pas seulement de satisfaire une demande immédiate, mais aussi d'éduquer notre clientèle pour un bronzage durable, sain et responsable. C'est à ce prix que nous assurerons la pérennité de notre activité face aux défis réglementaires et sociétaux à venir.
Sources
Voici la liste complète des 17 sources citées dans l'article :
[1] Mosher CE, Danoff-Burg S. Addiction to indoor tanning: relation to anxiety, depression, and substance use. Arch Dermatol. 2010;146(4):412-417.
[2] Hillhouse J, Turrisi R, Stapleton J, Robinson J. Effect of seasonal affective disorder and pathological tanning motives on indoor tanning behavior and dependence. JAMA Dermatol. 2017;153(7):674-679.
[3] Warthan MM, Uchida T, Wagner RF Jr. UV light tanning as a type of substance-related disorder. Arch Dermatol. 2005;141(8):963-966.
[4] Boniol M, Autier P, Boyle P, Gandini S. Cutaneous melanoma attributable to sunbed use: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2012;345:e4757.
[5] Balk SJ, Fisher DE, Geller AC. Stronger laws are needed to protect teens from indoor tanning. Pediatrics. 2015;136(4):632-636.
[6] Arrêté du 20 octobre 2014 relatif à la traçabilité des appareils de bronzage et aux conditions d'accréditation des organismes chargés du contrôle technique. Journal Officiel de la République Française, 2014.
[7] Syndicat National des Professionnels du Bronzage en Cabine. Rapport sur l'état du secteur des UV artificiels en France. 2020.
[8] De Maleissye MF, Beauchet A, Saiag P, et al. Sunbed use and melanoma risk factors in France: a case-control study. Br J Dermatol. 2011;164(4):828-836.
[9] Ahn CS, Culp L, Huang WW, Davis SA, Feldman SR. Adherence to indoor tanning restrictions for minors among businesses in the United States. JAMA Dermatol. 2017;153(8):791-797.
[10] Williams AL, Grogan S, Clark-Carter D, Buckley E. Appearance-based interventions to reduce ultraviolet exposure and/or increase sun protection intentions and behaviours: a systematic review and meta-analyses. Br J Health Psychol. 2013;18(1):182-217.
[11] Petersen AB, Gniadecki R, Vicanova J, Thorn T, Wulf HC. Hydrogen peroxide is an important mediator of UVA-induced DNA damage in non-melanoma skin cancer cells. J Photochem Photobiol B. 2014;139:117-124.
[12] Sahn RE, McIlwain MJ, Magee KH, Veledar E, Chen SC. A cross-sectional study examining the correlation between sunless tanning product use and tanning beliefs and behaviors. Arch Dermatol. 2012;148(4):448-454.
[13] Schneider S, Diehl K, Bock C, Schlüter M, Breitbart EW, Volkmer B, Greinert R. Sunbed use, user characteristics, and motivations for tanning: results from the German population-based SUN-Study 2012. JAMA Dermatol. 2013;149(1):43-49.
[14] Coups EJ, Stapleton JL, Manne SL, Hudson SV, Medina-Forrester A, Rosenberg SA, Gordon M, Tatum KS, Goydos JS, Xu YJ, Coyle K. Psychosocial correlates of sun protection behaviors among U.S. Hispanic adults. J Behav Med. 2016;39(5):837-847.
[15] Miller WR, Rollnick S. Motivational interviewing: Helping people change. 3rd ed. Guilford Press; 2013.
[16] Pagoto SL, Schneider KL, Oleski J, Bodenlos JS, Ma Y. The sunless study: a beach randomized trial of a skin cancer prevention intervention promoting sunless tanning. Arch Dermatol. 2010;146(9):979-984.
[17] Heckman CJ, Egleston BL, Wilson DB, Ingersoll KS. A preliminary investigation of the predictors of tanning dependence. Am J Health Behav. 2008;32(5):451-464.